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dimanche 3 décembre 2017

Paris : Église de la Trinité, La Clemenza di Tito (Opéra Garnier)


Marché 


Ce matin, la capitale est glaciale et pluvieuse. Les producteurs venus d'un peu partout sur un marché de saison, vers la rue Oberkampf, sont frigorifiés.






 Il y a même des huîtres de l'étang de Thau ! Ce n'est pas loin de chez moi.


Je profite de l'aubaine pour me concocter un dîner gastronomique dans mon train du soir : feuilleté de pigeon de Langres, sandwich au foie gras d'oie du Gers et gâteau aux noix de Dordogne ! J'achète même un potiron galeux, légume rare et délectable.

Mon amie Michèle m'appelle ; nous sommes d'accord, vu le temps, nous abandonnons la promenade le long du canal Saint Martin. Je suggère à la place un petit tour dans les passages couverts. C'est parti !



Autour de la salle de ventes Drouot, les antiquaires et marchands d'art se suivent.


Je trouve même, à droite, une estampe de Kawase Hasui, artiste japonais que j'ai découvert dans une boutique de Kyoto.





Déjeuner chez Chartier



 Mais l'heure tourne. Chez Chartier, il faut arriver avant 12:15 si on ne veut pas patienter dehors.


 Me revoici donc dans ce légendaire bouillon historique, où les habitués rangeaient leurs serviettes dans leurs casiers numérotés. On y sert la cuisine à l'ancienne, pot au feu, bourguignon, tripoux, pieds de cochon...


 Avec l'humidité qui m'a transi, je choisis le potage de légumes (à 1 € !), la blanquette de veau, et le baba au rhum, le vrai, en forme de bouchon. Je me précipite quand je le vois à leur carte, il est fabuleux !




Il nous reste un peu de temps avant nos activités respectives. Michèle me propose de faire un tour à la Trinité. Allons-y, ça fait des années que je n'y ai pas mis le pied.

L'Eglise de la Trinité 



 Je sais que cette église est une commande d'état à l'architecte Ballu, grand prix de Rome, maître d'œuvre de nombreux bâtiments parisiens : Saint Germain l'Auxerrois, Saint Ambroise, et surtout la Mairie de Paris, le point culminant de sa carrière. Pour la Trinité, il n'a pas dû passer des années de cogitations excessives. Plan archi-usé d'église avec chapelles latérales, sans recherche ni trait de génie. Nombre de nefs du XIXe sont semblables à celles-ci.


 Les peintures dans les chapelles sont signées d'artistes que la postérité a totalement enterrés. Bon, c'est l'occasion de regarder tout ça sans parti pris.


Pierre-Nicolas Brisset, Les Âmes du Purgatoire (ci-dessus) et La Mise au Tombeau (ci-dessous). C'est clair qu'il s'inspire de la peinture italienne, sans avoir le  pinceau de Titien. Belle lumière mais peu de drame ici. Composition qui, malgré le classique triangle pointant vers le haut, pourrait être plus rigoureuse aussi.



Un baptême dans le chœur illuminé. Rien n'y est inoubliable.



 Eugène Thirion partage avec Brisset le goût du contraste. Dans ce Songe de Joseph, la palette resserrée accentue l'effet de lumière. Le Joseph est bien rendu, même avec cette pose de pacha oriental. L'ange est moins bien, mais ce n'est pas entièrement la faute de Thirion. Le Moyen-Age, et particulièrement les Italiens, ont fabriqué de merveilleux anges aux ailes multicolores. C'est le XIXe qui a dégradé tout ça, les nantissant de bouche en cul-de-poule, d'ailes pégasiennes (comment ça, l'adjectif n'existe pas ?) et surtout d'un teint de bébé de porcelaine. Jusqu'à la mièvrerie.


Après avoir exposé nos divergences sur les lustres (je trouve qu'ils ressemblent à des luminaires d'opéra), nous nous séparons vers nos programmes respectifs.

A L'Opéra Garnier



J'adore l'Opéra Bastille, cette salle où on voit de partout, mais venir à l'Opéra Garnier, c'est toujours une fête. Comme la Scala ou le Wiener Staatsoper, c'est une salle marquée par l'histoire et où j'ai toujours plaisir à me promener. Je n'y suis plus revenu depuis le superbe Lear de l'an dernier.








Un costume de Tamino.












Le fameux plafond de Chagall continue à jeter ses couleurs flamboyantes.




La Clemenza di Tito (La Clémence de Titus) à l'Opéra Garnier



J'aime tous les opéras de Mozart, mais j'ai un faible particulier pour La Clemenza, ce merveilleux hymne au pardon. La musique me bouleverse toujours. Et j'attends les morceaux de bravoure (Parto, parto, Se all'impero et Non piu di fiori) avec impatience. C' est une œuvre dont je guette les représentations. J'ai donc beaucoup vu, depuis vingt ans, cette mise en scène de Willy Decker, mélange de modernité (ce cylindre incliné qui fait décor) et d'historique (dans la coupe des costumes) . Au centre, un bloc de marbre est progressivement sculpté en buste de Titus, en même temps que se construit sa personne et, enfin son pardon. C'est efficace, ça plaît à tout le monde, et c'est régulièrement repris avec succès. Pour ma part, c'est la cinquième fois que je vois ce spectacle.

Dan Ettinger dirige avec un indéniable métier. S'il ne s'occupe pas assez des chœurs, qui partent comme ils peuvent,  il fait bien chanter les instruments solistes et laisse respirer les voix.


Le plateau est un des plus beaux que j'ai entendus dans cet opéra, malgré des soucis ORL dont se plaignent les chanteurs à la sortie. Le Tito de Michael Spyres est exceptionnel. A la fois viril, autoritaire, sa voix mâle a la souplesse et la longueur nécessaires au terrible Se all'impero. Il joue autant sur les couleurs que sur le phrasé pour composer un personnage complexe. Un passionnant interprète, aussi à l'aise en Enée ou Faust qu'en Guillaume Tell, Mitridate ou les Haendel. Diantre ! Un vrai Protée!

La Vitellia d'Aleksandra Kurzak, Mme Alagna, est tout aussi intéressante malgré un jeu un peu excessif, qui gagnerait en sobriété. Mais quelle ligne de chant ! C'est une des rarissimes Vitellia que j'aie entendues à donner des graves aussi sonores, en place, et justes. Congratulazioni !

A l'origine je devais voir la Servilia de Christina Gansch, mais c'est finalement Valentina Naforniţa qui assure toutes les représentations, avec chic, naturel, beau timbre, et une élégante musicalité.

En Sesto, pas de Marianne Crebassa aujourd'hui, visiblement atteinte par le virus qui décime les chanteurs à Paris. C'est donc Stéphanie d'Oustrac qui est chargée de la surprise du dimanche. J'ai eu la chance d'entendre son Sesto racé et vibrant à plusieurs reprises, et je ne suis pas déçu. Après la performance de sa Carmen aixoise, le moelleux du timbre et la justesse des intentions me semblent encore  plus évidentes. Merci Stéphanie !


L'Annio d'Angela Brower me convainc également ; belle incarnation, chant coloré, c'est un plaisir. La voix a les couleurs nécessaires pour assumer crânement les rôles travestis. Un Komponist, un Oktavian peut-être ?

Et le Publio de Marko Mimica, chanteur que j'ai souvent vu à Berlin, s'avère un autre régal. Voix pleine, technique solide, chant élégant et cependant péremptoire...


Je rencontre avec plaisir de très anciens amis en attendant les artistes et nous devisons joyeusement tous ensemble. Michael Spyres nous accorde très généreusement une demi-heure et nous nous quittons avec de grandes embrassades.










Dan Ettinger

Valentina Naforniţa

Marko Mimica

Angela Brower

avec Aleksandra Kurzak

avec Michael Spyres

Retour pédestre dans un Paris multicolore. Il ne pleut plus, du coup, je vais jusqu'à la gare à pied après avoir récupéré mes bagages à l'hôtel.



4 commentaires:

  1. Wonderful church, magnificent opera. A great post with amazing pics. Congrats!

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  2. Super balade dans la gastronomie, avec les merveilles de la cuisine traditionnelle que propose le Bouillon Chartier, ainsi que les toujours bien achalandés marchés parisiens. Et pour couronner le tout un opéra magnifiquement interprété par des artistes de talent. Une très belle journée que tu partages avec nous par tes très belles photos et tes commentaires éclairés. Bravo. Jlm.b

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